Sonotone

Staer

"Toutes les pitreries rock'n'roll et les solos de blues ont disparu"

par Marion Stucky

A l'occasion de leur concert intimiste au Bourg, nous avons croisé trois jeunots de la scène noise européenne: Staer, un power trio norvégien prometteur. Rencontre, dans l’appartement bohème où siège l’association du Salopard, entre un plat de pâtes et deux cigarettes.

Sonotone: Comment est-ce que vous définiriez votre musique ? On a l'impression que les gens sur internet ont de la peine à vous mettre une étiquette, on a trouvé notamment: «math noise psych», «math noise punk», «free instrumental rock», «brutal instru rock», «future rock»...

Staer: «Future rock?» (ils se marrent) Il y a même un gars une fois qui a appelé notre musique «surf rock»! C'est un peu bête toutes ces classifications, au final ça te donne juste des mauvaises attentes et après t'es déçu. On préfère dire qu'on fait de la «modern music» ou de la «post-funk»!

Pourquoi?

Parce que c'est groovy et que nous voyons notre musique comme une réminiscence du funk après sa mort. Et puis, nos racines profondes se trouvent dans l'improvisation.

Est-ce que vous avez une formation jazz?

Thor (batterie): Moi oui, j'en ai joué pendant longtemps, ça fait partie de mon bagage musical. J'ai commencé dans le jazz mais j’essaie de m'en éloigner de plus en plus, j'essaie de ne pas sonner jazz... c'est difficile d'y échapper (rires)!

Quand on écoute votre musique, on a l'impression que, comme il n'y a pas de paroles, il y a une sorte de dialogue qui s'instaure entre la guitare et la basse. Est-ce que vous seriez d'accord avec ça?

Oui, mais on pense pas vraiment à ces choses là. On part de rien et on essaie de composer de manière à ce que les deux instruments soient toujours en relation, mais on conceptualise rien, c’est purement musical. La musique est la priorité.

Pouvez-vous nous raconter la naissance de Staer?

On en avait marre des groupes dans lesquels on jouait et on entendu parlé d'un batteur très cool qui vivait en dehors de la ville. On s'est rencontré à une fête, on a parlé de musique, on a trouvé des corrélations dans nos goûts et on a décidé de les explorer ensemble. On n’avait aucune ambition, on ne voulait pas devenir un groupe connu. Du coup, on faisait que des faire les idiots dans une cave. Le groupe était d'ailleurs officiellement mort pendant quelque temps, parce qu’on avait déménagé dans des villes différentes jusqu'à qu'on nous propose un concert. C'était en 2010, et c'est vraiment là que ça a commencé.

Est-ce que vous avez trouvé un public en Norvège?

Pas vraiment. On y a été à peu près ignorés (rires).

Est-ce que vous pouvez nous parler de Stavenger, la ville dont vous êtes originaires?

C'est une sorte d'enfer culturel, d'enfer personnel aussi, c'est d'ailleurs pour ça qu'on a créé Staer, on ressentait la même aversion pour la scène musicale de Stavenger. C'est une ville industrielle, liée au commerce du pétrole. Il parait que c'est la ville qui a la plus haute densité de Porsches Cayenne au monde (rires)!

Vous êtes au début de votre tournée européenne. Est-ce que vous pouvez remplacer ce sentiment identitaire volé par l’appartenance à une scène particulière? Vous êtes beaucoup allé dans les pays de l'est par exemple...

La scène noise est très intimiste et composée d'individus à travers toute l'Europe. Il n’y a pas d’identité rattachée à un pays en particulier.

Comment vivez-vous le fait d'appartenir à cette scène noise?

On adore! Il y a beaucoup moins de compétition et de couteaux dans le dos que dans le monde de la pop ou celui du jazz, où c'est la course au prix du meilleur groupe. La scène noise, c'est un truc plus communautaire et idéaliste. L'idée n'est pas d'être le meilleur ou le plus riche, mais plutôt d’essayer de faire de la bonne musique.

Qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur votre nouvel album Daughters?

Staer: Il nous fait peur (rires)! En fait, on ne l'a pas écouté depuis un bon bout de temps, et on est un peu intimidés de le faire. Comme ça fait un certain temps qu'on tourne avec les mêmes chansons, on ne s’en souvient pas forcément… Mais on peut dire qu'il est assez différent du précédent. Toutes les pitreries rock'n'roll et les solos de blues ont disparu. Daughters est plus abstrait, peut-être plus exigeant pour l’auditeur, mais probablement aussi plus enrichissant sur le long terme.

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