Sonotone

Honey For Petzi

"La gratuité de la musique ne nous choque pas"

par Gaspard Turin

Sur la terrasse de la tente presse, en attendant Honey For Petzi, je me sens un peu couillon: malgré mon respect pour leur musique, je sais bien que notre rencontre aura quelque chose de ridicule. Michel (guitare-claviers-batterie-voix) et Philippe (basse) arrivent, on se salue, on se connaît, je pouvais les interviewer en passant deux coups de fil depuis chez moi, à peu près n’importe quand dans l’année, et voilà que c’est durant le grand rendez-vous international du Paléo que nous nous retrouvons… Un média local interviewant un groupe local… Ne serions-nous pas un peu pathétiques?

Sonotone: Alors, Paléo – vous avez déjà joué ici, non?

Philippe: Ah non, c’est la première fois. En fait, la scène du Détour, où des groupes suisses sont programmés et où nous aurions pu jouer à l’époque sans trop d’expérience, n’existait pas. Et cette année, on est venus nous chercher…

S: Mais là, vous jouez au Club Tent, une plus grande scène, bien placés dans la soirée… Vous n’avez pas trop d’appréhension?

Michel: Bah non, pas moi… Philippe: Bon, en termes de taille de scène, on a fait les Eurockéennes, le For Noise, c’est assez similaire. Et ici, on connaît beaucoup de gens dans le public, ça aide!

S: Le Paléo a la réputation d’être un festival familial, avec des enfants, des badauds, un public dispersé... ça vous convient?

M: C’est une bonne chose de changer de public. On verra bien s’ils sont réceptifs. P: Et la programmation est maline. Kooks, Bloc Party, on joue devant un public qui correspond plus ou moins au nôtre. Et c’est vraiment bien de pouvoir jouer tard.

S: Vous avez sorti un cinquième album très bien reçu, notamment par nous, c’était l’hiver dernier. Comment s’est passée la suite?

P: On a eu effectivement de bons échos, mais c’est plutôt resté au niveau suisse. Ça ne nous a pas ouvert 50'000 portes. M: On a tout de même joué un peu plus en France… P: C’est vrai. Mais même jouer aux Eurocks, ça n’a pas changé grand chose pour nous. M: On a joué à Paris, aussi. P: Oui, au Nouveau Casino. Mais c’était pas vraiment mémorable, on a joué assez tôt, avec un public qui ne nous correspondait pas trop.

S: Combien de dates faites-vous par an?

P: Entre trente et quarante. Et pour 2012, la date du Paléo va être plus ou moins la dernière, après quoi on va faire un break, et puis pourquoi pas se remettre à écrire… On n’a pas réécrit de nouveaux morceaux depuis la sortie du dernier.

S: Les deux changements récents dans le parcours de HFP, ça a été la présence de voix sur le dernier album, et ton arrivée, Michel, pour les concerts. Es-tu toujours une sorte de mercenaire touche-à-tout, ou es-tu maintenant membre du groupe à part entière ?

M: Euuh… c’est pas à moi de le dire (rires)! P: C’est pas hyper clair, dans la mesure où on n’a pas fait de nouveaux morceaux! M: faut voir si on se comprend ailleurs que sur la scène. Les trois, ça fait quinze ans qu’ils jouent ensemble, c’est pas forcément évident. Mais le dernier disque est très riche, donc il y avait la place pour s’intégrer. Et je les connais depuis un certain temps, ils sont vraiment cools.

S: Tiens, c’est marrant… En tant que musiciens, je n’aurais pas forcément eu l’impression que les HFP étaient «cool»… On vous imagine plutôt hyper-sérieux, à compter jusqu’à dix-sept et demi avant de changer de mesure!

P: Ah bon? (rires…) Bon, faut dire qu’il apprend assez vite! M: Et je connaissais déjà les morceaux! P : C’est que chez nous, il y avait un réel besoin. C’est pour ça aussi qu’on n’a rien écrit de nouveau ces derniers temps: on avait un disque qui n’avait pas été conçu de la même manière que les précédents, plus complexe. Il a fallu qu’on travaille pour monter les versions live de ces chansons, et que tu interprètes certaines parties du disque, non? M: C’est vrai. P: Avec à l’esprit l’essentiel, qui est de garder le plus d’énergie possible en live.

S: General Toughts & Tastes était un album de l’ouverture, qui a conduit à l’intégration d’un nouveau membre. Dans le futur, si cette ouverture se prolonge, vous pensez vous agrandir encore?

P: Pourquoi pas? (il réfléchit…) Bon, c’est vrai que logistiquement, c’est pas évident. Même à quatre déjà, c’est un peu compliqué. J’aime la simplicité, je me verrais mal organiser des concerts à sept ou huit personnes!

S: En Suisse, quand on fait du rock, est-il théoriquement possible de vivre de sa musique?

P: Non. Ça demanderait de passer en radio tout le temps. M : Et de tourner trois cent jours par an… P: Même pour les groupes à audience moyenne, même ailleurs qu’en Suisse, c’est vraiment difficile. On a tendance à ne pas s’en rendre compte. Mais pour nous, comme nous n’en vivons pas, finalement, la tendance à la gratuité de la musique, cela ne nous choque pas. Encore que… on paie nos enregistrements… Mais bon, finalement je me dis qu’autant qu’il y ait le plus de monde possible qui nous écoute.M: Et qui viennent aux concerts.

S: Pour finir, êtes-vous au courant que des groupes suisses sont partis à Londres pour représenter le pays aux J.O.? Et si on vous l’avait proposé, qu’auriez-vous dit?

M (étonné:) Ah? P (étonné:) Ah bon?? Non, je n’en avais aucune idée. Si j’avais su cela, pourtant, je ne pense pas que j’aurais voulu y aller. Ces plans où tu représentes la Suisse pour telle et telle institution, ça n’est pas là que tu vas trouver un public concerné. Donc sans regret! Par contre on joue assez volontiers en Suisse-allemande, Zurich notamment…

Plus tard dans la soirée, je me suis rendu à leur concert. Et je me suis dit: Oubliés, Cure, Manu Chao, Garbage et autres Franz Ferdinand. Sur toute une semaine de festival, en termes de qualité musicale, d’énergie et de son, le seul qui pouvait rivaliser avec les Petzi était Bon Iver. Et les interprétations divergent, mais pour ma part, mon choix était fait. Je n’ai pas interviewé Honey For Petzi. J’ai eu le privilège de rencontrer les artistes les plus convaincants d’une semaine entière de programmation au Paléo festival. Alors non, rien de pathétique là-dedans.

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