Sonotone

David Bazan

Le Bourg, Lausanne, samedi 16 février 2013


01.03.2013

par Gaspard Turin

Lorsque David Bazan monte sur la petite scène du Bourg, ceux qui comme moi ne sont pas familiers de la tronche du bonhomme n’en retiennent pas vraiment leur respiration. Persuadés qu’avec cette dégaine de roadie, ce petit gros barbu n’est sans doute là que pour s’occuper du soundcheck. C’est que David Bazan partage avec d’autres vieux routards des nineties (on pense à Frank Black, à Lee Ranaldo, à Yo La Tengo…) un aspect négligé, à cent lieues de tout effet glamour. Mais le voilà qui commence son set. Et, armé d’une seule guitare acoustique et de sa voix, profonde et traînante, ce citoyen de seconde zone tient son auditoire en haleine pendant une heure et demie.

Pince-sans-rire, il aura commencé par nous prévenir: son concert sera composé «à 51% de chansons de Pedro The Lion et à 49% d’autres trucs, dont des morceaux plus récents» Il est vrai que ce ne sont probablement pas ses deux albums solo, Curse Your Branches (2009) et Strange Negociations (2011), qui lui auront valu le déplacement de ses auditeurs. Encore que… quelques-uns les auront attendues, et nombreux seront ceux qui les apprécieront, ces chansons récentes, tout aussi remarquables que les anciennes. A l’image de Wolves At The Door, avec laquelle il ouvre son set. Suivront, dans le désordre, de nombreux morceaux de bravoure dont son œuvre est remplie: Options, Big Trucks, Of Up And Coming Monarchs, Eating Paper, Transcontinental, Curse Your Branches ou encore la très attendue Penetration.

«Have you ever seen an idealist with grey hairs on his head? Or successful men who keep in touch with unsuccessful friends? You only think you did. I could have sworn I saw it too, but as it turns out, it was just a clever ad for cigarettes». On n’en finirait pas de citer ces textes, où le cynisme apparent se développe en un discours de profonde sagesse. David Bazan est l’un de ces rares chanteurs dont la condition sine qua non à sa présence sur une scène est d’avoir quelque chose à dire. Il prend à cœur ce rôle, au point d’y inclure ses auditeurs: toujours sérieux comme un prédicateur calviniste, il annonce vers la fin de sa performance qu’il répondra volontiers à toute question de son public. Lequel se prête au jeu. Bazan répond à chacune avec la même intensité. Je ronge mon frein: j’aimerais demander à ce chrétien repenti où il en est actuellement sur le plan religieux. Mais je lirai plus tard sur un forum que c’est la seule question à laquelle il refuse de répondre, jugeant probablement que ses chansons y répondent pour lui. J’ai bien fait de ne pas la ramener.

Dans un registre plus léger, quelqu’un lui demandera «Tournez-vous parfois avec des groupes qui ont des managers?» – allusion à la chanson Bands With Managers, où il brocarde ces jeunes musiciens «aux cheveux en désordre et aux visages lisses et pâles», déconnectés du monde, les mains hors du cambouis. Sa réponse sonnera comme une excuse: il se trouve qu’il a actuellement un manager, mais «c’est surtout un ami, et c’est ainsi que cela devrait toujours se passer». Loyauté, pudeur, probité. Le contact humain, voilà ce qui le conduit sur les routes. Et ce qu’un tel concert nous aura rappelé.

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